aux origines de la vidéo numérique : l'héritage du mpeg 1

La vidéo numérique a révolutionné l’industrie audiovisuelle en permettant un stockage, une transmission et un montage plus efficaces que les formats analogiques. Parmi les premières normes de compression numérique qui ont marqué cette transition, MPEG-1 occupe une place particulière. Conçu pour offrir une qualité vidéo comparable à celle d’une cassette VHS tout en réduisant la taille des fichiers, il a été un jalon important dans le développement des formats numériques modernes.

Avant la vidéo numérique : l’ère analogique

Avant l’avènement du numérique, la vidéo était enregistrée et stockée sur des supports analogiques comme les cassettes VHS, Betamax et Vidéo 8. Ces formats présentaient plusieurs limites :

  • Perte de qualité à chaque copie (dégradation générationnelle),
  • Encombrement et usure physique des supports,
  • Difficile à éditer et à diffuser sans pertes.

L’arrivée du numérique a changé la donne en permettant une duplication sans perte et un accès plus rapide aux contenus.

Les débuts de la vidéo numérique

Dans les années 1980, plusieurs initiatives ont été lancées pour développer des standards de vidéo numérique. Parmi elles :

  • Le D1 (1986), premier format vidéo entièrement numérique développé par Sony, utilisé en production télévisuelle,
  • Les expérimentations du CCIR (ancêtre de l’UIT-R) sur la numérisation des signaux vidéo en qualité télévision,
  • L’essor des premiers codecs vidéo développés par des chercheurs pour compresser les flux de données.

Cependant, les fichiers vidéo bruts nécessitaient des débits de stockage et de transmission énormes, ce qui limitait leur adoption. La compression devenait donc essentielle.

L’avènement du MPEG-1 (1993)

Le Moving Picture Experts Group (MPEG) a été fondé afin de normaliser la compression de l’audio et de la vidéo. Le premier standard, MPEG-1, a été finalisé en 1993, visant à rendre la vidéo numérique plus accessible et exploitable sur des supports grand public.

Caractéristiques du MPEG-1

  • Résolution et débit : conçu pour une résolution de 352 × 240 pixels à 30 images par seconde (NTSC) et 352 × 288 à 25 images par seconde (PAL), avec un débit de 1,5 Mbps (similaire au VHS),
  • Compression avec pertes : utilise la transformée en cosinus discrète (DCT) et une compensation de mouvement inter-images pour réduire la taille des fichiers tout en maintenant une qualité acceptable,
  • Audio associé : MP3 : le format audio MPEG-1 Layer 3 (MP3), issu du même standard, est devenu une référence pour la compression sonore.

Qui a créé le MPEG-1 ?

Le standard MPEG-1 a été développé par le Moving Picture Experts Group (MPEG), un comité fondé en 1988 sous l’égide de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) et de la Commission électrotechnique internationale (IEC).

Les figures clés derrière MPEG-1

  • Hiroshi Yasuda (NTT, Japon) et Leonardo Chiariglione (CSELT, Italie) sont les deux figures les plus influentes dans la création du groupe MPEG.

    • Leonardo Chiariglione en est considéré comme le co-fondateur et président historique. Ingénieur italien et expert en télécommunications, il a joué un rôle central dans la définition des normes de compression audio et vidéo. Son objectif était de développer un format universel pour la transmission et le stockage de la vidéo numérique, indépendamment des supports physiques.
    • Hiroshi Yasuda, ingénieur japonais, a été un acteur clé dans le développement technique du standard et dans l’implication des entreprises asiatiques.
  • Un travail collaboratif international :
    Le développement de MPEG-1 a impliqué des experts issus d’instituts de recherche et de grandes entreprises du secteur technologique comme Philips, Sony, Thompson, Matsushita (Panasonic), IBM et AT&T. Ces entreprises cherchaient à standardiser la vidéo numérique pour des applications grand public comme les CD interactifs (CD-I), les Video CD (VCD) et la vidéo sur ordinateur.

Applications et impact du MPEG-1

Le MPEG-1 a permis l’essor de nouveaux formats et usages qui ont marqué l’histoire de la vidéo numérique :

  • Vidéo sur CD-ROM (Video CD, VCD) : L’un des premiers usages majeurs de MPEG-1 a été le Video CD (VCD), un format lancé en 1993 et largement utilisé en Asie et dans certains pays européens. Contrairement aux cassettes VHS, le VCD permettait de stocker des films sur un CD de 650 Mo, avec une qualité équivalente à la VHS mais dans un format numérique plus compact. Chaque disque pouvait contenir environ 74 minutes de vidéo encodée en MPEG-1 avec un débit de 1,15 Mbps. Bien que dépassé par le DVD (basé sur MPEG-2) à la fin des années 1990, le VCD a joué un rôle clé dans la démocratisation de la vidéo numérique.

  • Premières vidéos numériques sur ordinateur : Avec l’essor des lecteurs multimédias comme Windows Media Player et QuickTime, MPEG-1 a été l’un des premiers formats largement pris en charge sur les PC, ouvrant la voie aux vidéos numériques grand public.

  • MP3 et la révolution de la musique numérique : Le format audio MPEG-1 Layer 3 (MP3), dérivé de la même norme, est devenu un standard incontournable pour la compression audio, posant les bases du streaming et du téléchargement de musique.

Les limites du MPEG-1 et son évolution

Bien que révolutionnaire, MPEG-1 présentait des faiblesses :

  • Une faible résolution, inadaptée aux écrans plus grands et aux téléviseurs modernes,
  • Une inefficacité pour les débits élevés, ce qui a conduit au développement de MPEG-2 pour la télévision numérique et le DVD.

MPEG-1 a donc été remplacé progressivement par MPEG-2 (1995), puis MPEG-4 (1999) et plus tard H.264 et H.265.


MPEG-1 a marqué un tournant dans l’histoire de la vidéo numérique en posant les bases des futures normes de compression. Son héritage se retrouve encore aujourd’hui, notamment à travers le MP3 et les principes de compression qu’il a introduits. Sans lui, le streaming vidéo et la distribution numérique tels que nous les connaissons n’auraient peut-être pas connu le même essor.